Dans l'Yonne, un photographe amateur magnifie la vie rurale et prépare "un livre poétique"
- chatelrozanoff
- 16 avr. 2021
- 5 min de lecture

À Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne), un photographe amateur magnifie la vie rurale et prépare "un livre poétique"
2012, route des Roudons, entre Toucy et Saint-Sauveur-en-Puisaye : Daniel Salem saisit l’archétype de la voûte végétale, chemin bombé et vivifiant emprunté à cet instant- là par un cycliste. Derrière ce tunnel vers l’inconnu, un patrimoine naturel "tend à disparaître".
La Puisaye de bocages, les plaines colorées de Forterre. Dix ans que le photographe amateur Daniel Salem adule la ruralité en toutes saisons. Au carrefour de l’Yonne, de la Nièvre et du Loiret. Ses images "accessibles", au charme fou et destinées à "valoriser le territoire", nourriront un ouvrage collectif.
"Pas besoin d’aller bien loin, il y a tout ce qu’il faut ici." À une seule condition esthétique : "jamais le soleil dans le dos". Captant comme personne les décors naturels de Puisaye comme de Forterre, le photographe amateur Daniel Salem, 70 ans, honore un territoire qu’il saisit à l’infini. Avec lui, on contemple sous son meilleur jour la Puisaye-Forterre. Là où "les gens sont fiers", confie le Francilien installé à Saint-Sauveur-en-Puisaye, le village natal de Colette.
Les chemins poyaudins ressemblent à un plat de spaghettis !
Nichée entre Nièvre et Yonne, à moins de deux heures de Paris, la Puisaye-Forterre (1.750 km²) se pose en terre splendide d’artistes, d’artisans, d’agriculteurs, du chantier médiéval de Guédelon, du château de Saint-Fargeau, ou qui a vu naître Pierre Larousse à Toucy.
Des bocages aux champs cultivés, des étangs aux forêts, Daniel Salem illumine ces décors naturels de premier choix. "Les chemins poyaudins ressemblent à un plat de spaghettis !" Quand les étendues de Forterre révèlent davantage des strates multicolores.
Son "sac de militaire" sur le dos, un petit appareil photo compact en guise de "bloc-notes", le retraité de France Télécom arpente un secteur dont il sublime aussi bien la nature givrée que les mosaïques éblouissantes. Au détour d’une cane et ses petits, d’un tracteur ou d’un arbre solitaire, Daniel Salem valorise, pixellise, contraste, ce coin de quiétude "qui est resté nature".
Sa femme Béatrice et lui, né à Orly, sont tombés raides dingues de cette zone rurale. Au point de s’y installer en 2006 puis de gérer des chambres d’hôtes interrompues en 2020. Crise du Covid-19 et raisons de santé. Des "croche-pieds", comme il dit. Sa recherche du bon endroit et de l’instant T perdure.
"Le soir, il peut y avoir une petite lumière, de jolis petits nuages… Je regarde côté Forterre. Allez hop, j’y vais !" En quête inlassable de marques du temps qui passe, de beautés des environs à préserver. "Les campagnes se détériorent un peu. Il nous faut une conscience écologique."
Immortaliser son petit paradis d’adoption
D’un père "photographe", l’ayant "embarqué là-dedans", il a fini par oser dévoiler son travail. "Ma sensibilité à l’image a changé et je me suis pris au jeu." Immortaliser son petit paradis d’adoption, par des "photos accessibles", c’est le plus souvent le matin. "Je suis un adepte du lever de soleil. On est seul au monde, la nature se réveille. Magique !" Plus tard, il n’y a plus cette "atmosphère mystérieuse" une fois que l’humain reprend ses droits.
L’étang de Moutiers fait partie de ses spots fétiches. "Ce ne sont pas les chutes du Niagara mais j’aime cette nature, ce côté non aménagé." Ces pêcheurs au loin semblent "peinards", comme lui. "Parfois, j’attends 20 minutes pour croiser une voiture ! Et me retrouver seul, par – 6°C, peut devenir assez angoissant. Pas un chat, pas une vache !"Daniel Salem chez lui, dans un hameau de Saint-Sauveur-en-Puisaye, où il s'est installé en 2006.
Un chevreuil croisé à Thury, un arc-en-ciel s’abattant sur une maison isolée vers Ouanne, un ver de terre sur une fleur de coucou… Il y a tant à faire briller. 2012, route des Roudons, entre Toucy et Saint-Sauveur-en-Puisaye : Daniel Salem saisit l’archétype de la voûte végétale, patrimoine fragile "qui tend à disparaître" en Puisaye-Forterre. Un tunnel vers l’inconnu, emprunté à cet instant-là par un cycliste.
Question matériel, traînent entre autres un zoom de 400 mm, un objectif à miroir, comme le télescope. "Je travaille surtout sur les longues focales, pour un rapport à l’image plus intimiste." Sans toutefois laisser le grand-angle aux oubliettes.
Un livre "incarné et humain" pensé avec trois passionnées
"Ancien citadin tombé amoureux de sa région d’adoption", se décrit Daniel Salem sur Instagram, où il a partagé 250 images depuis 2016. Pendant un lever de soleil sur l’étang de Moutiers, encore lui, des rayons transpercent la brume, dont le photographe raffole. On demande le secret du magicien. "Il faut se lever à quelle heure pour voir ça ?", commente un internaute. Du bétail, un château enneigé, des rideaux de lumière, les chemins changeants, le travail des champs autour de Lainsecq… Le septuagénaire nous gratifie de tableaux authentiques de la ruralité. Ce "coucher de soleils" que composent des tournesols est une autre invitation à la contemplation. À l’instar de ces clôtures à l’ancienne, ou encore de ces oiseaux dans l’alignement de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire (Cher).
Le premier confinement a conduit à opérer des tests. Quelques photos au drone ont rejoint la merveilleuse collection poyaudine et forterrate. "Je vais en refaire, d’ailleurs. Génial. Que c’est beau ! Quand on prend de la hauteur, on ne voit pas les problèmes d’en bas…"
Face à "l’accumulation de photos" stockées en une décennie, Daniel Salem aspirait à en créer "autre chose". Il réfléchit donc à "une monographie", à un ouvrage. "Je cherche des partenaires locaux pour éditer un livre, avec en fil rouge une histoire poétique originale. Ce qui me manque, c’est la plume pour ordonner. Je veux valoriser le territoire de Puisaye-Forterre et les gens qui le défendent", clamait haut et fort l’habitant de Saint-Sauveur-en-Puisaye fin 2020. Formule qu’il n’hésite pas à écrire en majuscules. Compiler juste ses clichés envoûtants ne l’intéresse guère. Sa nouvelle idée se développe doucement.
Des "citadins" tombés dans la marmite de la Puisaye-Forterre
Son appel lancé a depuis été entendu. Un groupe de travail, "sur la même fréquence", a pu déjà opérer trois réunions. Il y a Florence Moreau, Fabienne Dubues et Salomé Brugnaux, guide touristique de 25 ans et ayant grandi dans le village de Sainpuits. "Elle est le fil conducteur", précise Daniel Salem. Livre "incarné et humain", cette œuvre collective comptera au moins une cinquantaine de pages. Notez la promesse d’"une puissance évocatrice énorme" et de "discrètes coordonnées GPS" des lieux photographiés.
"On a attaqué la phase la plus ingrate, confie le septuagénaire. Comme si on démarrait un puzzle. On nous amène tout ça en vrac. Le plus long est de faire les coins. Sur la couverture d’un puzzle, vous avez la photo. Nous, nous n’avons rien (sourire) ! On part dans le vague." Par cet ouvrage, Daniel Salem ne cache pas l’envie de convaincre d’autres "citadins" de tomber dans la marmite de la Puisaye-Forterre, rimant aisément avec résidents secondaires. Cette contrée de caractère a trouvé son directeur photo.
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