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Dans l'Yonne, les agriculteurs font part de leurs inquiétudes pour 2023

Photo du rédacteur: chatelrozanoffchatelrozanoff

Les cours de céréales qui s'envolent, le prix des engrais et du carburant qui flambe, du matériel et des services très chers : l'ensemble des filières agricoles est impacté par les conséquences de la guerre en Ukraine. Dans l'Yonne, la Fédération des syndicats d'exploitants agricoles en fera le thème de sa prochaine assemblée générale. Le point avec son président, Damien Brayotel.

Le marché était déjà nerveux à cause de la crise sanitaire. Il est devenu volatile avec la guerre en Ukraine. Depuis l’invasion du pays par la Russie, le 24 février dernier, le cours des céréales flambe. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), en mars 2022, le prix des céréales comme le blé tendre ou le maïs a augmenté de 68,6 %, et celui des oléagineux de 70,8 % par rapport au même mois de l’année précédente. Il y a deux ans, une tonne de blé valait 120 €. Aujourd’hui, elle grimpe à 380, voire 400 €. Un pic historique, qui se répercute jusque dans les exploitations icaunaises.

La filière céréales représente le premier chiffre d’affaires du département. 46 % des exploitations agricoles icaunaises sont consacrées aux "grandes cultures" ; le blé, l’orge et le colza étant les principales céréales produites (*). La hausse des prix de vente profite-t-elle aux agriculteurs ? Pas si simple, répond la profession. Le point avec Damien Brayotel, président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA).


De quelle manière la guerre en Ukraine impacte-t-elle les agriculteurs icaunais ?

Concrètement, il y a deux aspects : le cours des céréales et les prix de l'énergie. En agriculture, on produit sur du temps long. On achète les intrants, notamment l'engrais, à l'avance. Actuellement on commence à acheter pour 2023. Mais pour la saison actuelle, donc, les achats sont faits. On avait déjà une hausse des intrants depuis 2021, mais moins qu'actuellement, et les céréales étant aujourd'hui très chères, cette année on devrait avoir un revenu satisfaisant en grande culture, même si le rendement risque de n'être pas si bon en raison de la sécheresse. C'est surtout pour 2023 que nous avons de grosses inquiétudes.


Quelles sont ces craintes ?

Toutes les charges augmentent, que ce soit l'engrais, le carburant, le matériel, les services comme la comptabilité ou les vétérinaires... il y a une inflation générale, alors que le marché reste très volatile et qu'on ne sait pas à quel prix on pourra vendre.

Sur les grandes cultures, ce n'est pas le plus grave car les céréaliers devraient dégager une marge cette année. En revanche pour les éleveurs c'est plus compliqué.

L'alimentation animale, le tourteau, est très impactée par la hausse des prix, et le cours de la viande n'augmente pas autant que les céréales. Au niveau national, on a demandé un accompagnement de l’État. Le plan de résilience économique et sociale, annoncé par le gouvernement fin mars, va être déployé, y compris prochainement pour les éleveurs de bovins.


Concrètement, quelles aides existent pour soutenir les agriculteurs ?

Le plan de résilience va arriver. Au niveau carburants aussi, comme pour tout le monde d'ailleurs, il y a la fameuse remise de 15 centimes par litre. Il y aura aussi la prise en charge des cotisations sociales pour ceux qui auront des hausses de charges importantes. Et le prêt garanti par l’État (PGE), mis en place pendant la crise du Covid, va être étendu. Donc il y a un certain nombre d'accompagnements mis en place, et tant mieux, parce qu'on a l'impression que cette inflation est durable.


Quelles solutions peuvent être mises en place par les agriculteurs locaux ?

Se tourner vers le tournesol peut-être une solution. On le voit, c'est un mouvement actuel. En France, on avait 700.000 hectares de tournesol, cette année, on monte à 750.000 ou 800.000, et en 2023, on table sur 900.000 hectares.

Localement, sur les plateaux du Tonnerrois par exemple, la culture du colza est devenue trop compliquée et a beaucoup été remplacée par du tournesol.

Le tournesol nécessite moins d'azote, donc permet de réduire nos importations d'engrais. On voit aussi revenir un peu d'élevage ovin, couplé à de la culture fourragère. L'élevage de poulets est intéressant aussi. Les projets de poulaillers suscitent souvent des oppositions de la société civile, mais il faut comprendre que ces poulets alimentent en circuit court nos restaurations collectives, consomment des céréales locales et produisent de l'engrais. C'est un cercle vertueux.

Autre piste, les légumineuses, même si les débouchés étant principalement l'alimentation animale, ça rapporte moins que les grandes cultures. Il faut donc trouver un équilibre. Ce qu'on aimerait pouvoir faire, mais ça dépendra de la sécheresse car il faut avoir de l'eau, c'est semer des cultures intermédiaires, cultiver des légumineuses en interculture après une première récolte en juin.

Concernant le carburant, on a des solutions de biocarburants. On développe par exemple l'oleo100, une énergie 100 % colza français pour des véhicules poids-lourds.


La guerre en Ukraine est en fait un accélérateur de problématiques latentes depuis plusieurs années...

Tout à fait. Changement climatique, dépendance aux énergies fossiles, tout est lié. La Russie et l'Ukraine étant les principaux exportateurs de céréales sur le marché mondial, aujourd'hui on voit bien la nécessité de recentrer notre production en France et en Europe. Actuellement, la hausse des coûts de production fait qu'il y a une hausse des prix à la consommation, et donc une problématique de pouvoir d'achat.


(*) Source : Chiffres clés 2020, de la CCI de l’Yonne en partenariat avec la Chambre d’agriculture.

 
 
 

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